Ce ne fut pas une mince affaire que de trouver un restaurant gastronomique à Paris au mois d’août entre les restaurants
fermés et les cartes d’été aux salades diverses et variées…
Désespérée, affamée
de créativité, perdue au bord de mon frêle esquif, je commençais à abandonner…
quand soudain quelques lumières m’éblouirent à l’aperçue furtive du restaurant
Gaya au beau milieu de la mer de Saint Germain des Prés !
Cessons de plaisanter,
il est vrai que Gaya est un des seuls restaurants étoilés à Paris ouvert en
août et je ne m’en suis pas privée ! J’avais souvent lu sur les blogs que
c’était une cuisine plutôt simple, de produit, éloigné du style du
restaurant 3 étoiles du chef Pierre Gagnaire,
je fus très agréablement surprise ! Il y a une réelle signature artistique
dans cette cuisine contemporaine, libre et musicale. Le midi vous y trouverez
un menu à 60 euros mais le soir vous composerez vous-même votre menu à la
carte. C’est ce que nous avons choisis de faire, mon mystérieux ami et moi. Le
lieu boisé m’a inspiré un univers de bateau avec son bar et une petite vue sur
la cuisine. Il s’y dégage une atmosphère décontractée et chaleureuse. Nous commençons
par quelques mises en bouche : sommité de chou-fleur dans un velouté au
cresson à déguster avec biscotte croustillante et tartelette aux épices,
agrumes confits, sucrés et mascarpone.
Je choisis tout d’abord la chair de tourteau concombre, haricots verts liés
d’une mayonnaise au plancton. Une sensation de suspension entre abondance
végétale et plongée sous-marine dans les profondeurs d’eaux douces et iodées. Pas
une seule bouchée ne se ressemble. Explosion de vie et silence aquatique.
Mon ami choisit le gnocchi d’épinard, velouté Vert, palette ibérique et
courgette à la vapeur. C’est un tableau de chlorophylles à l’accent
méditerranéen et gourmand. On reconnait
la signature du chef par l’effervescence de goûts et l’équilibre surprenant de tous les
produits rassemblés en bouche.
Sous cette canicule parisienne, je choisis une deuxième entrée froide à la place d'un plat:
Déclinaison de tomates : farcie ricotta/olive noire, soupe glacée, granité, salade,
glace vinaigre balsamique. C’est un jeu
de textures délicieux, rafraichissant et enfantin. La puissance du goût de la
tomate est sublimée par un contraste de température entre la tomate farcie
tiède, les tomates fraiches et la soupe légèrement givrée « picotante »
en fin de bouche.
Mon ami choisit le plat semainier servi habituellement au menu du
déjeuner. Ce sont des coquillages et crustacés et noddi-marini. Ici point d’écume
au siphon mais deux sauces, l’une mousseuse et l’autre plus crémée (mais qui se
relèvera très digeste !) soulignant le goût des divers coquillages. Le
homard servis entier avec ses pinces, de qualité parfaite est sublimé par la
prolifération des produits : légumes, épices, sauces mais qui par miracle
(et travail…) s’allie parfaitement faisant de chaque bouchée une surprise.
Hésitants sur le choix des desserts, le service nous propose de nous
préparer trois desserts en portion dégustation. Tout d’abord le biscuit Belle
Ile en mer qui est un biscuit aux multiple couches de praliné avec sa compote d’abricot.
Craquant, onctueux, et fruité. Un très bel équilibre avec la signature
circulaire du biscuit et l’éparpillement poudré de l’assiette.
Puis la compote de rhubarbe, loukoum à la rose, guimauves au coquelicot,
groseille, Panna-cotta au kirsch. C’est un parfum floral et fruité où s’entremêle
douceur et caractère relevé par le kirch. Cela m’inspire un tableau d'un paysage abstrait comme l’éclosion
d’un jardin imaginaire à la levée du jour.
Enfin, la Ganache Equateur, sorbet chocolat
; sablé cheesecake aux amandes fraîches. Le Yin et le yang. C’est un dessert
peu sucré, même légèrement salé par le sablée cheesecake, où l’on retrouve la
complémentarité de l’amertume du chocolat plus de 70% de cacao et l’amertume de
l’amande brute, fraîche, marinée dans du lait, ce qui lui donne une texture
tout à fait particulière et surprenante. Cette dualité que tout pourrait
opposer, nous livre comme un clin d’œil philosophique, un parfait équilibre de
saveurs.
C’est une cuisine personnelle qui donne à réfléchir à la vue, aux goûts, aux
enchevêtrements et aux textures. On y retrouve des inspirations d’arts contemporains,
Kandinsky, Pierre Soulages… où comme dans ces tableaux le regard et le goût n’y
est jamais le même et ne cesse de se métamorphoser en fonction des associations
choisies et du point de vue abordé. La réalité à un moment donné n’est pas
celle de l’instant qui suit…
Quelques mignardises pour terminer ce voyage qui donne envie d’aller plus
loin… tartelette au citron et chocolat-framboise.
J’ai apprécié la liberté et le désordre ordonné de cette cuisine mais aussi
l’aspect humain d’une équipe qui semble travailler en harmonie, bonheur et décontraction. La vie est faite d’oxymores, de
paradoxes, de contrastes et de contradictions, Pierre Gagnaire et son équipe mettent
cette vie en couleur et en saveur !
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